Quelques faits historiques sur 1871

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Le soulèvement patriotique de 1871 pour la reconquête de la souveraineté nationale, n’a pas suscité    l’adhésion unanime des cheikhs de zaouias, dont l’influence sur la population était incontestable.  Comment expliquer, le désaccord entre cheikh Aheddad et cheikh Mohand Ouelhocine, ce dernier était contre la proclamation du soulèvement, il l’a fait comprendre franchement à cheikh Aheddad par un poème improvisé prévoyant l’échec certain de l’action, ce en pleine réunion, profondément irrité cheikh Aheddad  l’apostropha : " Que Dieu te fasse mourir sans descendance masculine " " Aki negh Rebbi dha mengour ".

Cheikh Aheddad, voulait un soulèvement général, quitte à s’attaquer en premier lieu à tous ceux qui n’étaient pas d’accord ou hésitaient à prendre part au djihad. Ses voisins immédiats du village Amalou Ait-Idel refusaient de s’engager dans l’action, mais mal leur en prit, l’ordre fut donné au groupe de choc de les saccager. Exécution prompte de l’ordre, l’huile coula jusqu'à l’oued Soummam.

Après le compte rendu de l’opération, cheikh Aheddad visiblement satisfait, demanda aux Moudjahidine de rééditer le coup de Amalou, sur Ben Ali Chérif qui refuse de rejoindre le djihad. Les Ait-Idjeurs qui composent en majorité le groupe de choc désobéissent, ils répliquèrent au cheikh : "  Vous nous demandez de faire ce qu’il nous est impossible d’accomplir, en raison de la Baraka de Cheikh Mohand Ouali Chérif, nous avons répondu oui! A l‘appel du djihad mais pour nous battre contre les roumis, au lieu de cela, tu nous lance sur des musulmans, quel djihad ! avec tout notre respect nous ne pouvons recommencer le coup de Amalou ".

Cheikh Aheddad leur réponda " Je suis surpris par votre attitude, vous m’avez poussé à proclamer le djihad et voilà que vous me trahissez, je prends acte de désobéissance, vous ne comprenez pas que ceux que vous ménagez aujourd’hui, marcheront demain à l’avant-garde des français pour nous écraser tous, ils n’auront aucun scrupule ni pitié à notre égard, je n’ai pas prévu ce qui vient d’arriver. Dieu en est témoin ".

Le Bachagha  Ben Ali Cherif

Dans notre région, Ben Ali Chérif jouissait d’une grande considération, si bien, que beaucoup utilisent son nom pour jurer et refusèrent de croire qu’il y’a eu collusion entre lui et l’ennemi. Pourtant la réalité est ce qu’elle est. En 1952, un ami pour me convaincre m’a prêté un livre dont l’auteur est un sergent de l’armée française, c’est un journal de route de ce soldat qui relate son vécu journalier avec précisions lors des événements de juillet 1871 dans la vallée de la Soummam, Ben Ali Chérif a bel et bien demandé la protection de la France d’après ce sous-officier, au général commandant la zône " petite kabylie ", ce dernier a répondu favorablement, en allant lui même chez le Bachagha, le sergent a fait partie du contingent d’escorte et il raconta : " lorsque nous sommes arrivés à proximité de la résidence du Bachagha, il était déjà devant sa porte à nous attendre, l’homme de bonne corpulence, de physique agréable, vêtu de blanc immaculé si bien que la tenue de notre général est devenue terne à côté de lui, après avoir tendu la main au général et souhaité la bienvenue, il nous invita à rentrer chez lui, officiers et sous-officiers, vaste cour, intérieur agréable, des tapis de laine par terre avec des coussins, nous fûmes invités à nous asseoir et un thé fut immédiatement servi, c’est lui qui ouvrit la discussion en allant droit au but : " Mon général, j’ai souhaité avant qu’il ne soit trop tard, pour vous demander protection contre les insurgés, je possède une troupe insuffisante pour assurer ma défense devant le nombre considérable d’ennemis qui gravitent dans les collines pas loin d’içi, et qui d’un jour à l’autre vont foncer sur moi pour tout saccager, à propos de mes hommes, la France ne m’a jamais aidé pour assurer leur entretien. Malgré cela, ils sont restés fidèles comme je le suis pour la France ".  

Notre général le remercia vivement de sa fidélité, que la France n’oubliera jamais et lui laissant à son entière disposition un contingent de soldats pour renforcer sa troupe personnelle. Le lendemain, une compagnie entière monta vers les collines pour chasser les insurgés ".

J’ai fait partie de cette compagnie, qui se mit en mouvement dès l’aube du lendemain, nous avançons péniblement car le terrain est en pente accentuée, donc la progression est lente à travers champs, au levé du soleil, nous apercevons sur la crête qui nous fait face, des hommes, qui sûrement nous guettaient, arrivés au pied de cette montagne, presque à angle droit par rapport au sentier que nous avons emprunté, nous fûmes soudainement accueillis par une avalanche de rochers et des vociférations d’hommes en furie, chacun s’est mis à l’abri comme il a pu. On a répondu à coups de fusil sur les hauteurs, des deux côtés, il y’a eu plus de peur que de mal. Toute fois, on s’est lancé à la poursuite de l’ennemi si bien, que l’après-midi, on s’est retrouvé de l’autre côté de la crête, devant nous se dressait un village. Harassé de fatigue, on décide de dresser notre campement et y passer la nuit tout en dépêchant un émissaire aux habitants du village pour savoir s’ils étaient pour nous ou contre nous et qu’ils avaient à choisir entre " se soumettre ou se battre, le cas échéant ", la réponse fut immédiate " nous nous battrons ".

Ce village s’appelle " MEZEGUENE " il est situé juste après le col de CHELLATA en venant d’AKBOU en direction d’AZAZGA, versant de la vallée du SEBAOU, il fait partie de l’Arch d’IllOULENE OUMALOU " relevant administrativement de AZAZGA, les soldats français ne sont donc plus sur le territoire d’AKBOU. Ce village est vulnérable par le côté emprunté par l’ennemi, mais très difficile d’accès par le côté opposé, en venant de AZAZGA.

Le sergent raconte le déroulement du combat : " De bon matin, nous étions prêts, en formations de combat , nous avancions pour pénétrer dans le village, mais surprise inattendue ! les issues étaient bloquées par des murs en pierres sèches dressées à hauteur d’homme, les insurgés étaient bien protégés derrière attendant notre prudente avancée, car on ignorait l’armement dont ils disposaient. Arrivés à quelques mètres des barricades, nous fûmes accueillis à coups de fusils et de jets de grosses pierres qu’il fallait pas recevoir sur la tête, en poussant des hurlements furieux, nous ripostons à coups de fusil, le lieutenant ordonne l’assaut pour s’emparer des murs c’est alors un engagement au corps à corps, les insurgés s’opposaient à coups de haches, de sabres, de gourdins et de pierres. Après quelques tentatives d’escalader les murs, nous fûmes obligés de rompre le combat et de nous retirer vers notre position de départ. Nous avons enregistré un mort et des blessés sans gravité. La nuit venue, le capitaine envoya des éclaireurs inspecter l’autre côté du village et voir s’il était possible de le prendre à revers, il s’avéra que le le terrain est accidenté mais sans fortifications. Au matin c’est par cette ouverture qu’on s’est engouffré, les défenseurs nous ont lancé des pierres, on a riposté au fusil, ils se sont enfuit, nous pénétrâmes dans le village vide, à part ceux ou celles qui ne peuvent s’enfuir, des maisons basses et obscures où l’on trouva parfois, une vache, un veau, des ovins ou caprins abandonnés, tous les gens valides se sont volatilisés ".

Combat des AIT-AZZIZ

Le village d’AIT-AZZIZ se trouve non loin de MEZEGUENE sur la gauche en descendant vers la vallée de SOUK EL KHEMIS en direction de AZAZGA.

Le sergent parle : " le même scénario avec MEZEGUENE, on a dépêché un émissaire auprès des habitants du village AIT-AZZIZ pour savoir s’ils acceptent la soumission où s’ils désirent se battre : la réponse fut également immédiate ‘nous nous battrons’, le lendemain de bonne heure, nous nous sommes rapprochés du village en formations de combat, nous nous sommes également heurtés à des barricades en pierres sèches comme Mezeguène, violent engagement pour escalader lemu, sans succès devant l’acharnement des défenseurs, on est revenu sur nos positions avec quelques blessés légers, le lendemain de bonne heure, il nous fallait rééditer le coup de MEZEGUENE en opérant un mouvement tournant pour pénétrer dans le village déserté également par ses habitants, aucun homme valide n’est tombé entre nos mains, nous avons enregistré quelques blessés légers dans nos rangs , nous nous sommes repliés jusqu'à notre campement à côté du village. Pas loin de là, culmine le mont dénommé TIZI-BERDE, avec mon groupe nous décidâmes de grimper jusqu’au sommet de ce pic, pour contempler le paysage, nous y parvinmes mais à bout de souffle. Le panorama qui s’offre à nous est grandiose, le regard domine dans tous les sens, de nombreux villages, des forêts et des rivières, la fraîcheur nous a incité à retarder notre retour et à profiter de ce bon moment de détente jusqu'à la tombé de la nuit, dès que l’obscurité a enveloppé la nature, des feux étaient allumés village après village, c’était général et pour nous une surprise , quoi en déduire ?.

De retour, au campement, nous apprimes avec joie la fin de la guerre, les feux c’est le signal ! le lendemain matin nous primes le chemin vers notre point de départ avec mission accomplie ".

Je n’ai jamais eu l’occasion de vérifier auprès des habitants des villages MEZEGUENE et AIT-AZZIZ sur ce qu’ils retiennent comme souvenirs de leurs ancêtres sur ces combats, mais il n y’ a aucun doute là dessus, puisqu’à côté du monument aux morts de la guerre 1914-1918 érigé sur la place centrale d’AKBOU, il y’a également une stèle commémorative mentionnant " combat d’AIT-AZZIZ 1871", je ne sais pas si elle existe encore, je l’ai vu en 1934, elle est restée gravée dans ma mémoire car j’ignorais à l’époque où se trouvait le village AIT-AZZIZ.

Mr ACHIT LARBI

[ VILLAGE AIT-SALAH,

COMMUNE DE BOUZEGUENE,  

DAIRA DE BOUZEGUENE, 

W: TIZI-OUZOU ]

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