LA PARTICIPATION DES AIT-SALAH AU COMBAT DE TAOURIRT 1871

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Combats de TAOURIRT Juillet- Août 1871

Après ce qui s’est passé à Tamda, la riposte du commandement français fut immédiate, un fort détachement militaire puissamment armé, fut lancé à la poursuite des AIT-KACI, beaucoup pour tenter de récupérer leurs soldats prisonniers, après le compte-rendu des survivants de la bataille de Tamda, il ne fallait pas perdre de temps, les français apprirent que les AIT-KACI ont suivit le cours de l’oued Sébaou, les traces de leur cavalerie dans le sable de l’oued étaient bien visibles, donc pas de problèmes jusqu’au lieu dit " Boubehir ", intersection de trois affluents constituant l’oued Sébaou ( l’Assif Sahel, l’Assif Remane, l’Assif Oucerdoune), à partir de là, c’est la terre ferme, les traces des bêtes de somme ne sont plus visibles, pas de villages pour un renseignement sur la direction prise par les AIT-KACI.

Les français prirent pour itinéraire la ligne de crête entre l’Assif Sahel et l’Assif Remane pour aboutir à une impasse , au pied d’une portion du massif du Djurdjura, lieu dit " Bouyakoub " , actuellement centre communal d'Illoulene Oumalou, inhabité à l’époque, ne sachant plus quelle était la bonne direction , ils dressèrent leur campement pour attendre un renseignement souhaitable, à leur gauche vers l’est, c’est le début des broussailles de l’Akfadou et de l’impressionnante citadelle qui est le village de Taourirt, à l’angle droit sur le bord de l’Oued Sahel, d’où les moudjahidine épiaient les soldats français qui ignoraient toujours l’emplacement des Ait-Kaci, ils ne tardèrent pas à le savoir par l’intermédiaire d’un traître qui resta à leur disposition pour leur servir de guide à travers les broussailles très difficiles d’accès pour les bêtes des somme.

Maintenant qu’ils connaissaient leur objectif, les français ne tardèrent pas à se mettre en mouvement par le bon côté, grâce à l’aide fournie par le traître, ils traversèrent l’Oued et le village Sahel par le sentier menant directement à Taourirt, après avoir grimpé un bon moment, ils furent soudain reçus par une avalanche de roches et de meules de moulin à huile, c’est la débandade des soldats français, qui sont allés se regrouper plus loin au nord du village.

Le lendemain, ils se rapprochent en effectuant un mouvement tournant par le côté le plus accessible, les AIT-KACI munis du même armement que celui des français, les attendaient sur les positions préparées à l’avance, renforcés par les moudjahidine avec fusils, sabres, haches et gourdins.

Un contingent des moudjahidine tenus en réserve avait reçu consigne d’intervenir sur les arrières de l’ennemi pour provoquer la mêlée et rééditer le coup de Tamda.

La bataille engagée par une fusillade nourrie de part et d’autre donna suite à un violent corps à corps, les femmes stationnées à bonne distance des combattants poussaient des " you-you " pour galvaniser l’ardeur des moudjahidine et provoquer la peur chez l’ennemi, la bataille tourna à l’avantage des Moudjahidines le village tenait bon. Les Ait-Kaci, conseillèrent les moudjahidine d’éviter les combats à distance, la meilleure tactique, c’est toujours la mêlée.

Durant tout le mois de juillet, c’était la bataille pour prendre le village de Taourirt, il y avait des pertes de chaque côté, le soir les moudjahidine, sur des brancards transportaient les morts ou blessés vers leurs villages respectifs, lorsqu’ils en parlent, les gens disaient "flen est revenu sur taâricht  jusqu’au village", apparemment les moudjahidine recherchaient tous, le " Martyr ".

On rapporte que Cheikh Larbi, érudit Imam de Ighil Tizi-Boua au cours d’un violent corps à corps, à été décapité, ses compagnons se sont jetés, sur lui pour le ramener sur l’arrière, sa tête séparée du corps, prononçait encore " ALLAH OUAKBAR ". Vers la fin de juillet, les français ont reçu des renforts, après plusieurs engagements, ils réussirent à s’emparer du village évacué auparavant par la population non combattante, ils brûlèrent maison après maison à titre de représailles. Les français ayant appris que le PC des Ait-Kaci se trouvait au village Ait-Salah, ne tardèrent pas à monter une expédition afin de délivrer leurs prisonniers. Les moudjahidine les attendaient à mi-chemin au lieu dit " Tabouchicht-Irres ", une dure bataille au corps à corps s’est terminée par match nul, les français le soir venu, se sont retirés vers leur pc, à leur tour à taourirt, c’est à cet endroit en 1958, que les moudjahidine de l’ALN ont tendu une embuscade à un convoi de l’armé française et l’ont décimé, récupèrent armes et munitions, une stèle est élevé à cet endroit pour immortaliser le souvenir (simple coïncidence entre 1871-1958).

Au cours de la bataille de " Tabouchicht-Irres " de Août 1871, un moudjahid du village Ait-Salah, a reçu un coup de sabre qui lui a ouvert le ventre, les intestins lui sortaient dehors, il a vu fuir ses compagnons, l’un après l’autre, sous la pression des français, l’abandonnant à son sort, lorsque survint Ouamrouche également compagnon qui sauta sur lui, courageusement le chargea sur ses épaules jusqu’au village, l’infirmier des Ait-Kaci a voulu lui suturer sa blessure, ce qu’il a refusé catégoriquement préférant le martyr " vous voulez fermer la porte du paradis ! " disait - il. Avant de mourir il improvisa un poème :

YEKKER OUMGHAR ACHIVANE

IROUH-ADHI OUTH IROUMIENE

YE OUTHITHIDE OUTEHANE

YETH ABOUTE ITHID IGZEME

YE ADADE L’HADJ MHA ATH SEID

LYAOUNE L’VAZE YOULAFENE

YARNADE LHADJ ATH KACI

L’HIDJ INES AF MERTHAYENE

YERNADE OUREZKI MESSOUAOUD

THEZOUAR YETHJADITH N'SENE

AHMED IHAMOUCHENE

LAHNAK TA DJALTH N'SENNE

OUAMROUCH MI DI  HELALEF

TSA  AKOUCHET ITHI DIDEME

" AHMED IHAMOUCHENE, c’est le blessé qu’on a failli abandonner ".

La soumission

Le soir, de la bataille de " Tabouchicht- Irres", on ne s’attendait pas que ce serait la dernière, l’ennemi s’est replié jusqu'à taourirt, n’ayant pas atteint son objectif, la libération des prisonniers, c’est donc partie remise, a un autre jour pour la confrontation, à la tombée de la nuit, on vit soudain des feux scintiller de tous les villages de la région partant de Tirourda jusqu'à hauteur de Djemâa-Saharidj, tout ce versant était illuminé à la grande surprise des Moudjahidines et de la population de notre région, car c’était le signal du cessez le feu, l’échec du djihad pour récupérer l’indépendance.

Le lendemain la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre, les Ait-Kaci se concertent, pour la conduite à suivre, ils décidèrent de déléguer des éléments auprès du commandement français, pour une négociation au sujet des prisonniers qu’ils détiennent et de leur devenir en particulier. Les délégués furent reçus par le commandant français à taourirt, au nom de la France il leur fit une promesse solennelle , que tout sera pardonné et oublié sur ce qui s’est passé, dés le retour des prisonniers tout rentrera dans l’ordre et la paix.

Les Ait-Kaci examinent le compte rendu de leurs délégués, ces derniers convaincus de la sincérité du commandant avec une minorité des leurs, pendant que la majorité reste incrédule et s’abstiennent d’accompagner les prisonniers pour les remettre au commandant, un groupe seulement les emmènent à Taourirt et les présentent à leur chef. Les prisonniers témoignent favorablement à l’égard des Ait-Kaci, au sujet de leur détention, rien n’y fait, c’était un piège ils furent ligotés sans aucun ménagement et de suite mis au secret, ils furent victimes de leur naïveté au lieu de se méfier, la troupe des Ait-Kaci, qui s’est méfiée avait donc raison, il ne fallait pas attendre de clémence de la part du commandant français, en pleine nuit secrètement les Ait-Kaci, disparurent, personne ne sait dans quelle direction et jusqu'à maintenant c’est resté un mystère non élucidé. C’est vrai, qu’une chasse à l’homme était entreprise par les français pour les exterminer, leurs biens, leurs terres furent mise sous séquestre au profit de la colonisation.

Aujourd’hui, les traces de leurs résidences sont encore visibles, les terres passées en d’autres mains, leurs familles se sont volatilisées dans la nature, fuyant les représailles exemplaires dont elles allaient faire l’objet. S’il s’en trouve aujourd’hui des survivants, c’est qu’ils auront pris d’autres noms et qu’ils se soient fixés dans des régions lointaines.

Dans la mémoire populaire de notre région, leur épopée reste gravée, ils ont terminé leur histoire en Moudjahidine, que les français n’ont pas réussi à défaire grâce à leur tactique du combat rapproché.

Le Caïd Ali, qui était probablement leur chef, est mort au cours des événements, il était enterré selon son voeu, avec les Ait-Kaci de notre village, qu’il a considéré de même famille alors qu’aucun lieu de parenté n’existe entre eux.

Le cimetière des moudjahidine de 1871, existe toujours dans notre village, dans un carré de la cour d’une mosquée désaffectée, là sont enterrés les martyrs et leurs compagnons après leurs décès naturel, depuis seuls, deux habitants pour services rendus au village, ont été admis à l’inhumation auprès d’eux.

Je rapporte ce témoignage, d’après ce qui j’ai retenu et entendu auprès des vieux de chez nous, notamment auprès de âami seid, cousin de mon grand père paternel, il a vécu plus que centenaire, décédé en 1942, lors des événements 1871,il a fait partie du groupe de choc " Ait-Idjeur " sous autorité directe de Cheikh Aheddad, ce dernier l’à désigné gardien de ses bovins dans la forêt de l’AKFADOU afin d’éviter qu’il ne tombe entre les mains de l’ennemi.

J’aimais également interroger la sœur de mon grand père paternel, qui a vécue plus que centenaire, décédée en 1954, ayant conservé toutes ses facultés mentales, âamti fatima  me disait :

" Mon petit frère, je me rappelle bien de ce qui s’est passé au village lors du djihad de Cheikh Aheddad, j’étais femme, j’ai participé avec d’autres femmes au sauvetage de notre récolte de céréales, il fallait moissonner en vitesse et transporter les gerbes de blé et orge en des lieux sûrs, car les roumis brûlaient tout sur leurs passages, afin d’affamer la population, c’était une année de bonne récolte " SAVA ", je me rappelle qu’au cours des travaux, la femme de mon frère aîné , ton grand père a tenu des propos jugés indignes: elle a souhaité l’arrivée rapide des roumis pour tout brûler, cela lui a valu la répudiation dès la fin du Djihad.

Les prisonniers étaient bien une vingtaine, logés dans l’ancienne mosquée sous la surveillance des soldats NATH-KACI, tous les jours, ils les sortaient pour se promener le long du ruisseau, au retour, ils ramenaient des crabes qu’ils faisaient cuire, on était étonné ! qu’ils en soient friands.

La femme était logée chez la famille " Allilat " où elle était constamment entourée par nos femmes curieuses de voir une française, elle s’appelait " Marie ", ne parlait pas notre langue, mais arrivait quand même à comprendre, lorsque les femmes lui disaient " A Marie les Kabyles sont en train de poursuivre les roumis en fuite vers le bateau, elle éclatait en sanglots, lorsqu’elle lui disaient, Marie ! les Kabyles reculent devant les vôtres qui ne vont pas tarder à arriver jusqu’ici, elle se mettait debout et tournoyait de joie. "

C’était les femmes du village qui préparaient la nourriture aux Ait-Kaci et leurs prisonniers, la plupart des habitants se sont réfugiés en pleine forêt avec leurs animaux, notre troupeau, c’est mon frère qui l’a conduit jusqu'au village Mehaga en pleine forêt chez ses beaux-parents, à la fin du djihad, après l’incendie de taourirt, mon père qui était à l’époque " Amine " du village appelé par le commandement français installé à Taourirt, il s’y est rendu et n’est pas revenu, il fut emmené avec d’autres à l’ Larbàa Naît-Irathen, où il est resté en ôtage pendant un an, c’est grâce aux femmes du village qui ont donné tous leurs bijoux en argent, rançon exigée par les roumis, qu’il a été libéré. Durant son absence, les habitants du village nous ont beaucoup aidés dans tous nos besoins.

Les roumis n’ont pas tardé à quitter Taourirt, que les Ait-Idjeur se sont mis à reconstruire avant l’arrivée de l’hiver. Les hommes et les femmes de notre village ont fournit tout ce qui est bois et assuré le transport à dos d’hommes et de femmes jusqu'à Taourirt, avant l’hiver, chaque famille à pu regagner son foyer ".

Avant de conclure, je tiens à signaler un fait qui appuie mon témoignage sur ce qui s’est passé lors du djihad 1871 à Ait-Idjeur : L’association culturelle " Taourirt 1871 " , m’a invité à une conférence débat le 8 aout 1992, à laquelle j’ai participé, j’ai appris auprès des vieux du village " Taourirt ", qu’au cours des travaux de réaménagement de leur cimetière, il y a de cela quelques années, une fosse commune a été découverte, où il  y avait 7 crânes humains et les ossements, sans préciser leur appartenance, ça pourrait être de l’époque romaine, dirent-ils, or, hormis les français, aucun envahisseur n’a jamais mis les pieds dans notre région, c’est bel et bien les ossements des moudjahidine " Ait-Kaci " qui avaient ramenés les prisonniers français au commandant, pour se faire ligoter et ensuite fusillés pour toute réponse à leur geste humanitaire.

Les Ait-Kaci de Tamda, méritent une réhabilitation, au même titre que le bachagha Mokrani, que le Bachagha Si Slimane des Ouled Sidi Cheikh, leurs titres homologués par la France, ne les a pas empêchés, de se retourner contre elle pour le salut de la patrie.

Ait-Kaci de Tamda ont combattu côte à côte avec les moudjahidine Nath-Idjeur, ils ont tenu en échec le bataillon français qui n’a pas réussi à atteindre militairement son objectif, le bachagha Belkacem Ath Kaci s’est distingué contre les français lors des événements de 1856, prélude à l’assaut contre le massif du djurdjura 1857. Le bachagha Si El Djoudi, a été un héros, dans le Djurdjura en 1857, il a été exilé en Syrie et mourut en 1863 à Jaffa (Palestine). Il   y’a eu beaucoup de bachaghas patriotes en Algérie qui ont tout sacrifié pour l’honneur national.

Mr ACHIT LARBI

arrowgreen.gif (844 octets)  Interview de Achit Larbi sur les événements de 1871:

  https://www.youtube.com/watch?v=9ZyfkU99mKM

 

 

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